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Les pollinisateurs et l'avenir de notre alimentation

Bourdon, plaine sablonneuse du sud de Norfolk, Ont. (Photo Mhairi McFarlane/CNC)

Bourdon, plaine sablonneuse du sud de Norfolk, Ont. (Photo Mhairi McFarlane/CNC)

Par Gabriela Duarte

Pour moi, commencer la journée en savourant un assortiment de fruits frais, c’est comme boire un bon café pour d’autres. Cette routine matinale me rappelle l’un de mes plus beaux souvenirs : un séjour à Vancouver (C.-B.), il y a plusieurs années, au cours duquel j’ai visité un parc où abondaient des bleuets en corymbes. Je passais mes dimanches matin avec une amie à manger ces petits fruits fraîchement cueillis et à parler de tout et de rien.

Un jour, mon amie était visiblement embêtée par le nombre d’abeilles qui bourdonnaient autour de nous. Il y en avait tellement! Cette situation a donné lieu à une conversation sur le rôle vital des abeilles. Je lui ai expliqué que nos douces matinées «aux bleuets» étaient possibles grâce à ces insectes qui pollinisent les plantes et leur permettent ensuite de produire ces délicieuses baies. Il en va de même pour le café que nous savourons quotidiennement.

En 2016, un rapport scientifique révélait que plus des trois quarts des cultures principales dans le monde dépendent, dans une certaine mesure, d’espèces pollinisatrices. Plus les pollinisateurs sont nombreux et diversifiés, plus les récoltes sont bonnes. Les abeilles, les papillons et les guêpes contribuent en effet à assurer un approvisionnement alimentaire stable et abondant en raison des différences dans leurs façons de chercher de la nourriture et leurs réponses aux conditions changeantes.

Jardin pour pollinisateurs, Bunchberry Meadows, Alb. (Photo Sean Feagan/CNC)

Jardin pour pollinisateurs, Bunchberry Meadows, Alb. (Photo Sean Feagan/CNC)

Malgré leur grande importance, les populations de pollinisateurs sauvages connaissent un déclin à l’échelle mondiale. Ceci s’explique par la perte d’habitat, l’utilisation de pesticides, les changements climatiques et la présence d’agents pathogènes. Ce déclin menace aussi la production alimentaire et le gagne-pain des agriculteurs et agricultrices. Les cultures dépendent des pollinisateurs de manière différente, ce qui signifie que les conséquences de leur déclin peuvent varier d’une région à l’autre.

C’est dans cette optique que j’ai entrepris, avec mes collègues Richard Schuster (Conservation de la nature Canada) et Matthew Mitchell (Université de la Colombie-Britannique), de mieux comprendre la contribution des pollinisateurs sauvages au Canada. Notre recherche, publiée dans Environmental Research Letters en mars 2024, a révélé que les pollinisateurs sauvages contribuent à subvenir aux besoins alimentaires de l’équivalent de 24,4 millions de personnes chaque année et génèrent près de 2,8 milliards de dollars canadiens en revenus pour les agriculteurs et agricultrices. Nous avons toutefois identifié d’importantes lacunes sur le plan des bénéfices, ce qui indique qu’il existe un grand nombre d’occasions d’améliorer les habitats des pollinisateurs et les pratiques de gestion, en particulièrement en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan.

Papillon, Bunchgrass Hills, C.-B. (Photo Fernando Lessa)

Papillon, Bunchgrass Hills, C.-B. (Photo Fernando Lessa)

Notre étude laisse croire que le Canada aurait avantage à promouvoir la protection des pollinisateurs sauvages. Des incitations financières et des programmes environnementaux qui encourageraient la collaboration du monde agricole pourraient appuyer cette transition. Protéger et restaurer des habitats naturels améliorent bien souvent la production des régions voisines. Pour assurer la viabilité à long terme des pollinisateurs, il est également vital de sensibiliser les décisionnaires ainsi que les personnes les plus concernées par leur importance. De plus, les pratiques d’intensification écologique, comme la culture intercalaire, la rotation de cultures, et la diversification au sein des exploitations agricoles, peuvent permettre de tirer profit des processus écologiques naturels pour préserver la biodiversité et améliorer les récoltes. Ceci est bénéfique à la fois pour les agriculteurs et agricultrices, et pour l’environnement.

Assurer la sécurité alimentaire de la population mondiale en croissance tout en protégeant la biodiversité est un défi de taille. Cependant, en intégrant les pratiques de conservation des espèces pollinisatrices à une agriculture respectueuse du climat et à une gestion durable des terres, nous pourrons renforcer la biodiversité, améliorer les récoltes et leur résilience, et accroître le stockage de carbone dans les écosystèmes agricoles. Cette approche permet non seulement de favoriser notre bien-être, mais aussi de maintenir la durabilité de nos systèmes alimentaires pour les générations futures. Donc, la prochaine fois que vous dégusterez votre café matinal ou des fruits frais, souvenez-vous que c’est grâce aux efforts de petits pollinisateurs!

Gabriela Duarte est une écologiste, chercheuse et conseillère en politique spécialiste de la conservation de la biodiversité, de l’aménagement du territoire, des solutions fondées sur la nature et de la diplomatie scientifique.

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