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PKOLS (Mount Douglas Park), île de Vancouver, C.-B. (Photo de Getty Images)

PKOLS (Mount Douglas Park), île de Vancouver, C.-B. (Photo de Getty Images)

Par Jimmy Thomson, journaliste et enseignant en journalisme

Une vision ambitieuse, des stratégies novatrices et de nouvelles technologies pour accélérer la conservation

Derrière Aerin Jacob, directrice de la science et de la recherche à Conservation de la nature Canada (CNC), j’atteins le sommet du mont PKOLS fouetté par le vent. C’est une de ces rares journées extrêmement venteuses sur la pointe sud de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique. Journée où l’océan en contrebas semble déterminé à dévorer le rivage. Les occasionnelles gouttes de pluie, même à cette altitude, goûtent aussi salé que les gerbes d’eau qui arrosent les plages discrètes.

Par une journée grisâtre comme celle-ci, Mount Douglas – de plus en plus reconnu par son nom d’origine, PKOLS (en langue SENĆOŦEN) – peut donner l’impression d’être une haute montagne. Mais malgré ses 225 mètres d’altitude, ce parc municipal offre un splendide point de vue d’où l’on peut admirer les lignes imprécises du paysage en contrebas : des terres agricoles qui se fondent dans les terrains de golf, des rues résidentielles bordées de feuillus qui disparaissent dans des parcs grandioses, et, à mi-chemin, le dense réseau de Victoria, la capitale provinciale, tout contre le littoral dentelé qui descend vers la mer.



Graphic by Remie GeoffroiGraphic by Remie GeoffroiGraphic by Remie Geoffroi

Chacun des éléments qui composent cette mosaïque a un rôle à jouer dans l’écologie de la région, explique Aerin Jacob. Ici, au sommet du PKOLS, un pygargue à tête blanche utilise le vent pour s’élever au-dessus des chênes de Garry, dont la silhouette ployée est enveloppée de lichens rappelant des filaments argentés (signe d’une bonne qualité de l’air, dit-on). Plus bas sur le versant, de vénérables thuyas géants et douglas de Menzies couvrent de leur ombre des sols humides et des ruisseaux. C’est l’exemple parfait d’une aire urbaine protégée.

Il peut être tentant de considérer les terres agricoles et les zones résidentielles des plaines situées en contrebas comme étant des zones pouvant être sacrifiées, c’est-à-dire de moindre importance pour les objectifs de conservation. Voilà une fausse présomption, qui ne prendrait pas en compte le fonctionnement de la nature et les besoins de la biodiversité et des humains.

« Nous savons que la nature est exposée à une multitude de menaces graves qui ne cessent de se multiplier, et que la cadence des changements augmente rapidement. Il faut nous appuyer sur des stratégies éprouvées, comme l’acquisition et l’intendance de terres privées, et en tirer des leçons », affirme Mme Jacob. « Il faut opérer des changements transformationnels à l’échelle des territoires, qui aideront la nature et la population, aujourd’hui et dans l’avenir. Nous devons adopter une vision ambitieuse et être ouverts à l’innovation. »

Terres boréales, Ont. (Photo de Adam Bialo, Kontakt)

Terres boréales, Ont. (Photo de Adam Bialo, Kontakt)

Lorsqu’un déclin de la biodiversité et des changements climatiques sans précédent déchirent l’étoffe « tissé serré » des écosystèmes de la planète, il ne suffit pas de faire notre possible et d’espérer, défend Mme Jacob. Des objectifs majeurs et ambitieux, comme la détermination de CNC à doubler le soutien accordé à la conservation dans les trois prochaines années, ainsi que les retombées de ses efforts d’ici 2030, exigent une stratégie audacieuse qui ne tient aucune méthode pour acquise et qui ne manque pas d’analyser chaque échec et chaque réussite. Il faut de nouveaux outils : des outils financiers qui encouragent le secteur privé à investir pour conserver la nature; des technologies de nouvelle génération pour utiliser plus efficacement les données; et des technologies de planification qui surveillent, comprennent et communiquent, à l’échelle nationale, les changements qui s’opèrent dans chacune des petites parcelles sous nos pieds. Une vue d’ensemble peut nous aider à éviter les modes de pensée qui menacent l’atteinte des résultats transformateurs devenus nécessaires en conservation.

En exemple, Mme Jacob explique qu’elle entame une nouvelle recherche sur la connectivité écologique qui évaluera les liens entre les aires protégées au Canada. Ce projet montrera comment chaque aire protégée contribue à la connectivité globale et comment le réseau dans son ensemble peut être enrichi par de nouvelles aires conservées ou restaurées.

« Nous devons accélérer et renforcer la conservation. Nous devons raffiner et préciser notre compréhension de ce qui fonctionne dans quels milieux et pour quelles espèces », poursuit-elle. « La meilleure façon d’y arriver est de nous montrer ouverts aux nouvelles idées et collaborations, d’essayer de nouvelles approches et de les mettre à l’essai pour s’assurer qu’elles fonctionnent comme prévu. » Tous ces éléments (vision ambitieuse, stratégies novatrices, nouvelles technologies) doivent être communiqués au grand public, pour que les gens comprennent ce qui affecte la nature qui les entoure et les raisons qui sous-tendent ces changements.

Impact numérique

Le virage numérique que prend le monde de la conservation tombe directement dans la cour de Richard Schuster qui, enthousiaste à l’idée de concrétiser ses idées, a délaissé sa profession d’enseignant pour devenir directeur de la planification spatiale et de l’innovation à CNC.

Le projet d’innovation technologique qu’il chapeaute vise à créer des outils d’aide à la décision pour que les organismes et les gouvernements puissent faire des choix plus éclairés en matière d’utilisation des terres. « Nous devons être plus stratégiques en ce qui concerne nos actions et les sites où nous travaillons », explique-t-il. Cela signifie faire plus avec ce que nous avons•: les données et les terres, évidemment, mais aussi l’implication des communautés. De bonnes intentions et des politiques efficaces ne mènent pas à grand-chose si elles sont finalement rejetées par des intervenants perplexes et contrariés.

Grâce à ce projet, des discussions qui s’appuient sur des données et analyses concrètes peuvent être tenues en temps réel. Le grand public, les propriétaires fonciers et les partenaires peuvent voir les répercussions de leurs décisions en un clic, plutôt que de parler en termes et objectifs abstraits. Par exemple, si des décideurs et décideuses souhaitent voir les impacts des changements climatiques sur une aire de conservation existante ou future et sur les espèces qui les habitent, ils peuvent voir cette information dans l’outil. Cela nous permet de déterminer les actions pouvant atténuer ces impacts.

 Cet article est tiré du numéro Été 2023 du Magazine Conservation de la nature Canada. Cliquez ici pour savoir comment recevoir notre magazine.

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