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Phragmite (roseau commun)

Phragmite (roseau commun)

Une espèce menaçante dans un milieu exceptionnel

Bâches recouvrant les colonies de phragmite dans le haut marais de l’île aux Grues (Photo de DanielTphoto)

Bâches recouvrant les colonies de phragmite dans le haut marais de l’île aux Grues (Photo de DanielTphoto)

Les marais et autres milieux humides ont longtemps été sous-estimés. Perçus comme des espaces peu attirants, ils constituent pourtant des terres d’une grande richesse. En plus d’offrir des habitats de qualité pour les espèces qui y vivent, ils rendent de nombreux services écologiques en jouant un rôle capital dans la recharge des eaux souterraines, l’épuration des eaux, la prévention des crues et des sécheresses. Ces milieux protègent aussi les berges des tempêtes et stockent une grande quantité de carbone. Pour toutes ces raisons, Conservation de la nature Canada (CNC) redouble d’efforts afin de restaurer certains milieux humides, et un tel projet a lieu sur l’île aux Grues. 

Le haut marais de l’île aux Grues 

Située au cœur du fleuve Saint-Laurent, l’île aux Grues se trouve à environ 80 km à l’est de la ville de Québec. Reconnue comme un haut lieu de biodiversité au Québec, plus de 200 espèces d’oiseaux y nichent ou utilisent ses habitats lors des migrations. L’île aux Grues est reliée à sa voisine, l’île aux Oies, par une batture : le haut marais.  

L’équipe pose les bâches à l’aide d’un tracteur (Photo de CNC)

L’équipe pose les bâches à l’aide d’un tracteur (Photo de CNC)

Parmi la myriade d’oiseaux qui y évoluent, on compte le goglu des prés (espèce menacée au Canada), le bruant de Nelson (espèce susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable au Québec), le hibou des marais (espèce préoccupante au Canada et susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable au Québec) et le râle jaune (espèce préoccupante au Canada et menacée au Québec). Le haut marais constitue également un terrain de chasse privilégié par de nombreux oiseaux de proie, dont le faucon pèlerin. La zone est aussi désignée « Aire de concentration d’oiseaux aquatiques », un habitat reconnu et constitué en vertu du Règlement sur les habitats fauniques du gouvernement du Québec. CNC protège 170 hectares sur l’île aux Grues, dont la réserve naturelle Jean-Paul-Riopelle située à la pointe aux Pins.  

Même si ces terres sont protégées, elles demeurent sensibles à certaines menaces. Dans le haut marais, on observe plus particulièrement la présence marquée d’une plante exotique envahissante (PEE) : le phragmite. Aussi appelée roseau commun, cette plante introduite d’Europe et d’Asie dégrade la qualité des milieux humides puisque sa présence envahissante prive les animaux de leurs habitats et déloge les végétaux indigènes. Cette espèce a donc pour effet de nuire à la biodiversité des milieux qu’elle colonise puisqu’elle prend rapidement le dessus sur les autres espèces, les empêchant de croître. 

Un travail colossal 

La présence du roseau commun dans le haut marais est connue depuis plusieurs années et un premier portrait de sa répartition a été effectué en 2014. Les suivis effectués depuis n’ont fait que confirmer ce que tous redoutaient, soit que chaque année, cette espèce gagne du terrain.

Phragmites control at Île aux Grues

Intervenir sur ce milieu était nécessaire puisque cet envahisseur redoutable devenait une menace pour les nombreuses espèces animales et végétales qu’il abrite. La nature du milieu limitant les méthodes de contrôle et d’éradication des PEE pouvant être utilisées, il était nécessaire de faire preuve d’ingéniosité. L’effet des marées et des glaces sur le milieu devait être pris en compte. Après de premiers essais réalisés entre 2015 et 2017 sur ses propriétés du haut marais et à la lumière des résultats d’autres propriétaires qui tentaient eux aussi de limiter les dommages causés par cette espèce envahissante, CNC a lancé, en 2019, un projet d’envergure visant le contrôle du phragmite dans ce milieu exceptionnel.  

Pourquoi ces méthodes ont-elles été privilégiées?

Le bâchage:
Une fois bien ancrées au sol, les toiles de géotextile (bâches) empêchent la lumière du soleil de pénétrer et donc à la végétation envahissante de croître. Privés de leur source d’énergie, le soleil, ces végétaux épuisent lentement leurs ressources et meurent au bout de quelques années.

La fauche:
La fauche répétée agit de manière semblable au bâchage, mais de façon moins drastique. En fauchant les plantes plusieurs fois par année, et durant plusieurs années, la plante utilise plus d’énergie pour croître qu’elle est capable d’en produire et l’empêche de compléter son cycle annuel (production de graines). Éventuellement, la croissance ralentit, les plants deviennent de moins en moins vigoureux. Combiné à d’autres techniques, la fauche permet de ralentir la propagation des colonies établies.

Un inventaire des colonies de phragmites présentes dans le milieu a d’abord été réalisé afin de dresser un portrait de la situation. Après des recherches et des études approfondies, une planification détaillée a été élaborée. Dans le contexte particulier du haut marais, l’utilisation de méthodes de contrôle chimiques, dont des herbicides ou phytocides, est interdite. Ainsi, c’est la fauche et le bâchage qui ont été retenus malgré la complexité de mise en œuvre.  

La première étape sur le terrain a été complétée à l’automne 2020 en appliquant les deux méthodes privilégiées qui, combinées, maximisent les chances de réussite. Dans la mesure du possible, l’expertise locale a été privilégiée par la création de partenariats avec des entreprises et des fournisseurs de la région. Une bonne façon de tisser des liens avec la communauté locale! Après une première fauche des colonies ciblées, l’équipe de CNC et ses partenaires ont recouvert l’ensemble des superficies de grandes toiles qui seront laissées en place pour plusieurs années. Un travail titanesque pour cette équipe dévouée! 

Des défis et des victoires  

Un membre d’équipe examine une bâche (Photo de CNC)

Un membre d’équipe examine une bâche (Photo de CNC)

Voilà un projet qui n’est pas sans défis. À cause des inondations provoquées par les hautes marées du fleuve, les périodes durant lesquelles le haut marais est accessible sont limitées. Étant donné la fragilité de cet écosystème, l’équipe a dû prendre des mesures pour minimiser l’impact de la machinerie sur les oiseaux nicheurs et sur le sol. C’est pourquoi l’automne a été ciblé comme période idéale pour la réalisation des travaux. L’équipe se heurtait alors à d’autres difficultés telles que le vent et le gel, ce qui a compliqué la pose des immenses bâches!  À cela s’ajoute la période de chasse aux oiseaux migrateurs, activité très prisée dans la région.  

Ce travail acharné s’est échelonné sur plusieurs années afin de recouvrir une superficie totale de 2 hectares! Une fois l’installation terminée, un suivi et des entretiens réguliers sont prévus pour les prochaines années. La fauche a aussi eu lieu sur 2 hectares, pour un projet de contrôle totalisant 4 hectares. Lors du retrait des bâches, prévu pour débuter en 2025, des semences indigènes seront dispersées sur ces sols afin de repeupler le haut marais d’une riche biodiversité.

Un combat répandu 

CNC contrôle le phragmite ailleurs au Canada, et ce, à l’aide de différentes méthodes. En Ontario, un projet spécial d’éradication du phragmite réalisé en collaboration avec le ministère des Richesses naturelles et des Forêts privilégie les herbicides chimiques. Dans certains cas, le phragmite est si abondant que son impact sur l’écosystème justifie l’utilisation de telles mesures. Lisez plus sur le combat que CNC mène en Ontario(en anglais seulement) et regardez cette vidéo pour savoir comment identifier le phragmite envahissant et comment le contrôler manuellement! 

Participation 

ECCCFondation de la faune du QuébecGouvernement du QuébecU.S. Fish and Wildlife ServiceNAWCAAge of UnionTerraquavie

TD Logo

Ce projet a bénéficié de fonds accordés par le gouvernement du Canada au Programme d’intendance de l’habitat et au programme sur les Lieux prioritaires du Fonds de la nature du Canada, ainsi que des fonds accordés par le gouvernement du Québec à la Fondation de la faune du Québec pour son Programme pour la lutte contre les plantes exotiques envahissantes et au Projet de partenariat pour les milieux naturels de CNC, pour lequel CNC a reçu une aide financière de plus de 53 M$ du gouvernement du Québec. 


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