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Aidez-nous à percer le mystère des couleuvres rayées de Terre-Neuve

Couleuvre rayée, l’une des deux sous-espèces de couleuvres rayées observées à Terre-Neuve, elle se reconnaît à sa couleur vert-brun et à ses motifs tachetés (Photo de Julia Riley)

Couleuvre rayée, l’une des deux sous-espèces de couleuvres rayées observées à Terre-Neuve, elle se reconnaît à sa couleur vert-brun et à ses motifs tachetés (Photo de Julia Riley)

Par Andrea Gigeroff, James Baxter-Gilbert (professeur) et Julia Riley (professeure)

Selon la légende, s’il n’y a pas de serpents en Irlande, c’est parce que Saint-Patrick les aurait chassés de l’île en les repoussant vers la mer au cinquième siècle de notre ère. D’un point de vue écologique, nous savons que s’il y en avait eu, elles ont été forcées de quitter l’île il y a des dizaines, voire des centaines de milliers d’années en raison de la formation de nappes glaciaires. Cette légende se voulait peut-être l’allégorie d’une ère de changements après tout.

Terre-Neuve est parfois comparée à l’Irlande pour la beauté de ses paysages et son effervescence culturelle. Elle partage une autre caractéristique avec l’île d’émeraude, puisqu’elle n’aurait jamais abrité de serpents indigènes. Cependant, tout comme les Irlandais il y a 1 500 ans, nous vivons à une époque en pleine mutation, et on retrouve aujourd’hui des serpents à Terre-Neuve.

C’est en 2010 que la première observation d’un serpent a été confirmée à Terre-Neuve, dans le secteur de Saint. David’s. Il s’agissait d’une couleuvre rayée. En 2015, d’autres couleuvres ont été observées du côté est de l’île, près de St. John’s. Mais, comme nous l’avons mentionné, Terre-Neuve ne compte aucune espèce de reptiles indigènes, ce qui signifie que ces couleuvres y ont probablement été introduites accidentellement ou intentionnellement. Certains individus ont peut-être voyagé clandestinement dans du foin importé ou d’autres matériaux, alors que d’autres ont pu être transportés comme animaux de compagnie avant d’être relâchés dans la nature. Leur arrivée sur l’île demeure à ce jour un mystère.

Au Canada, Terre-Neuve se situe à la limite nord de l’aire de répartition de la plupart des espèces de reptiles, y compris les serpents. Cependant, les couleuvres sont particulièrement résistantes, et prospèrent d’un océan à l’autre. On les retrouve même dans le sud des Territoires du Nord-Ouest. Comment peuvent-elles survivre dans des conditions aussi variées? Eh bien, les couleuvres sont dites généralistes, tant en matière d’habitat que d’alimentation. Par exemple, elles peuvent vivre au sein de nombreux écosystèmes, notamment les milieux humides, les champs, les forêts et les parcs urbains. Puis, elles se nourrissent d’une grande variété d’aliments, comme des vers de terre, des insectes, des grenouilles, des salamandres, et même des petits mammifères et des oiseaux. En étant si peu exigeantes, elles peuvent s’adapter à toutes sortes de milieux.

La chance des Irlandais a souri à Terre-Neuve pour ce qui est de l’espèce de serpent qui s’y est installée. En effet, les couleuvres rayées ne sont pas dangereuses pour les humains et les animaux domestiques. Ces petits serpents non venimeux mesurent moins d’un mètre de long et ne possèdent que de minuscules dents pour retenir leurs proies. Par conséquent, elles ont probablement plus peur de vous que vous n’avez peur d’elles! Généralement, elles s’enfuient ou se cachent à l’approche d’une personne, d’un chien ou d’un chat.

Mais que signifie l’arrivée des couleuvres pour les écosystèmes et la biodiversité de Terre-Neuve? La présence d’un nouvel animal non indigène perturbera-t-elle les espèces endémiques bien-aimées de l’île? Les couleuvres ont-elles été relâchées par des humains ou sont-elles arrivées par leurs propres moyens, par l’intermédiaire d’un processus naturel? Voilà quelques-unes des questions importantes auxquelles les scientifiques souhaitent répondre.

On peut reconnaître la couleuvre rayée de l’Est, l’une des deux sous-espèces de couleuvres rayées observées à Terre-Neuve, à sa coloration noire et ses rayures marquées (Photo d’Andrea Gigeroff)

On peut reconnaître la couleuvre rayée de l’Est, l’une des deux sous-espèces de couleuvres rayées observées à Terre-Neuve, à sa coloration noire et ses rayures marquées (Photo d’Andrea Gigeroff)

Andrea Gigeroff, étudiante au doctorat à l’Université Laurentienne, dirige un projet de recherche visant à percer certains mystères entourant les couleuvres à Terre-Neuve. Son équipe collabore à la collecte de données sur la génétique, le régime alimentaire et les mouvements des couleuvres à Terre-Neuve avec plusieurs partenaires, dont la Newfoundland Parks Division, la Newfoundland Wildlife Division, Conservation de la nature Canada (CNC) ainsi que les professeurs Jackie Litzgus (Université Laurentienne), Julia Riley et James Baxter-Gilbert (Université Mount Allison). Grâce à ces données, l’équipe espère découvrir la provenance des couleuvres de Terre-Neuve, le moyen par lequel elles y sont arrivées et si leur présence entraîne des effets négatifs sur les populations d’espèces indigènes.

Ce projet de recherche fait partie d’un programme plus vaste mené par les professeur(e)s Julia Riley et James Baxter-Gilbert. Axé sur l’écologie et la conservation des reptiles et des amphibiens du Canada atlantique, ce programme vise à évaluer les conséquences de l’introduction de ces derniers à Terre-Neuve.

Les réserves naturelles de CNC de l’île serviront de sites d’étude et d’échantillonnage pour l’équipe de recherche. En se basant sur les résultats, le personnel de CNC pourra mettre de nouvelles connaissances au service des réserves naturelles éloignées auxquelles les scientifiques n’ont pas accès. En tant qu’organisme de conservation, CNC connaît très bien les répercussions que les nouvelles espèces peuvent avoir sur les écosystèmes indigènes. Souvent en collaboration avec des chercheurs et des chercheuses, CNC assure le suivi et, si nécessaire, la gestion des nouvelles espèces qui pourraient nuire aux espèces indigènes dans les réserves naturelles.

Outre la couleuvre commune, qui est un reptile, plusieurs espèces d’amphibiens ont également été introduites à Terre-Neuve, notamment la grenouille verte, la grenouille des bois, la grenouille du Nord, le crapaud d’Amérique et la salamandre cendrée. Les scientifiques ont besoin de votre aide pour détecter la présence des reptiles et des amphibiens non indigènes sur l’île.

En effet, pour faire progresser les recherches sur l’activité de ces espèces et leur influence éventuelle sur les écosystèmes insulaires, il faut d’abord savoir où elles se trouvent. Ainsi, si vous voyez une espèce sauvage de reptile ou d’amphibien, assurez-vous d’enregistrer votre observation dans un portail en ligne (comme iNaturalist), d’envoyer un courriel à rileylabmta@gmail.com pour la signaler à notre équipe de recherche ou de communiquer directement avec votre bureau local de la Division de la faune  en appelant au 709 637-2025.

Alors que la Saint-Patrick annonce l’arrivée du printemps et des températures plus clémentes, préparez-vous à aiguiser vos compétences en matière d’identification des reptiles et des amphibiens en téléchargeant l’application d’observation de la nature de votre choix. Nous savons qu’une nappe glaciaire a fait fuir les serpents d’Irlande. Mais, pour faire progresser les connaissances sur l’arrivée des couleuvres rayées à Terre-Neuve et déterminer si leur présence perturbe l’équilibre écologique, nous devons garder l’œil ouvert et communiquer nos observations aux scientifiques.

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