La science des couleurs d’automne
Les forêts du Canada abritent de nombreux personnages colorés. Elles recèlent de fleurs sauvages aux couleurs vives, d’oiseaux chanteurs parés d’éclatants plumages, d’insectes étincelants et de champignons bariolés. Chacun connaît son heure de gloire dans la parade forestière annuelle. Mais les arbres sont la constante monochrome, tout de vert qu’ils sont. La mosaïque de leur feuillage est jolie, bien qu'elle soit plutôt uniforme. Mais cela n’est vrai que jusqu’à ce qu’ils aient enfin à leur tour leur chance de briller.
Le feuillage des arbres est vert parce qu’ils sont dépendants de la chlorophylle, ce « pigment vert » présent en très grande quantité dans les feuilles et au centre de la photosynthèse. Les arbres doivent créer, protéger, nourrir, arroser et exposer à la lumière leurs feuilles, ces usines productrices de sucre. À l’automne, les journées se faisant plus courtes, le manque de lumière oblige les arbres à feuilles caduques à mettre un frein à ces opérations. La chlorophylle se désintègre alors, ce qui entraîne des résultats souvent spectaculaires. Des éclairs de couleur, du jaune banane au orange des gilets fluorescents, en passant par le rouge des pommes de tire, pointent leur nez et enflamment les branches de la forêt.
Les jaunes et les orangés sont l’œuvre des caroténoïdes, des pigments naturels présents dans le maïs et les carottes. Ceux-ci sont toujours présents avec la chlorophylle, mais leurs couleurs sont masquées durant les mois où celle-ci occupe l’avant-scène. Le jaune est probablement la couleur la plus courante au Canada à l’automne. En cette saison, la vaste forêt boréale s’illumine d’or, car les feuilles des peupliers et des bouleaux, qui sont les feuillus présents en plus grand nombre, regorgent de caroténoïdes.
Il en va de même pour nos forêts montagneuses et celles longeant les rivières des grandes prairies, où ces mêmes essences d’arbres garnissent les vallées de larges rubans dorés.
Les rouges et les pourpres sont quant à elles les couleurs des anthocyanines, des pigments produits par l’excédent de sucre prisonnier dans les feuilles. L’érable rouge et l’érable à sucre sont célèbres pour leurs rouges vifs, que la combinaison de journées chaudes et ensoleillées et de nuits fraîches peut intensifier. Ce processus donne aussi aux feuilles lobées du chêne blanc, un de mes arbres préférés, une douce couleur lavande. C’est cette diversité des essences qui permet à nos forêts de l’est de se démarquer à l’automne. Ici, les jaunes du peuplier, du bouleau, du caryer et du frêne se mélangent aux rouges, roses et pourpres des érables, des chênes et des cerisiers. Chaque arbre et chaque feuille arborent un motif différent et un ensemble de nouvelles couleurs uniques et vives.
Dans la forêt boréale, les conifères ne sont pas en reste : les aiguilles du mélèze passent au jaune à l’automne et finissent par tomber, comme les feuilles des arbres caducs. De nouvelles aiguilles, débordantes de chlorophylle, repoussent au printemps.
La période où il est possible d’admirer ce phénomène automnal extraordinaire à son apogée est très courte, et les moments libres sont fugaces dans nos vies effrénées; mais la promenade en vaut le coup. De plus, c’est une excellente façon de s’imprégner subtilement de la variété intrinsèque et secrète de la nature. Vous apprendrez à ne pas vous arrêter à la première impression pour découvrir que, dans la nature comme chez les gens, il y a souvent d’autres couleurs vives sous-jacentes qui n’attendent qu’à briller. Il suffit de leur en donner la chance.
Est-ce par coïncidence que le rouge cramoisi a été choisi à la place du vert pour la feuille d’érable à sucre qui orne le drapeau canadien? Ou s’agissait-il d’une déclaration? Hum. Un bon sujet pour un autre blogue, je crois...