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Richard Bird, un héros de la conservation dans le comté de Prince Edward (Ontario)

Richard Bird et Ali Giroux (ex-employée de CNC), réserve naturelle du comté de Prince Edward, Ont. (Photo de Amanda Tracey/CNC)

Richard Bird et Ali Giroux (ex-employée de CNC), réserve naturelle du comté de Prince Edward, Ont. (Photo de Amanda Tracey/CNC)

Par Amanda Tracey, coordonnatrice, Biologie en conservation dans le centre-est de l'Ontario à CNC

Dans mon premier article sur les héros de la conservation, j’ai mentionné que lors de mes débuts à Conservation de la nature Canada (CNC), j’ai rapidement été conquise par le comté de Prince Edward, en Ontario. J’ai tout aimé : ses riches milieux humides, ses prairies sèches et ses oiseaux migrateurs, mais surtout, ses gens. En effet, on retrouve dans cette région une communauté unique en son genre de gens soucieux de la conservation. Bon nombre sont des partenaires qui contribuent à la protection, à la conservation et à la gestion des terres de la rive sud du comté, tandis que d’autres s’intéressent plutôt à l’aspect humain et se consacrent à la sensibilisation, à l’éducation, à l’établissement de relations et à la communication de récits sur la conservation. C’est d’ailleurs précisément une histoire qui a marqué ma première rencontre avec le héros de la conservation en vedette dans cet article.

J’aimerais vous présenter mon mentor et ami cher, un conteur hors pair, Richard Bird. Le monde a besoin de plus de personnes comme lui, et je vais vous raconter pourquoi.

Richard a grandi à l’ouest de Belleville, en Ontario, dans une zone rurale marécageuse de la baie de Quinte. Il se souvient qu’on y retrouvait « une abondance de rats musqués et de huttes de rats musqués! ».

« Je me souviens que lors d’une journée d’exploration quand j’étais jeune, mes voisins et moi avions trouvé le nid d’un troglodyte des marais », confie Richard avec émotion. « C’était tellement beau, je n’arrivais pas à y croire. Aviron à la main, nous avions passé des heures à parcourir ce marais dans une embarcation qui prenait l’eau. Qu’y a-t-il de mieux pour un enfant qu’une embarcation qui prend l’eau dans un marais? ». Malheureusement, ce marais est désormais asséché, et c’est l’une des raisons qui ont incité Richard à devenir un ardent défenseur de la conservation des milieux naturels.

Affirmant être maniaque des sciences, Richard a consacré sa vie à les enseigner, plus précisément la chimie.

« J’aurais dû devenir biologiste », dit-il en riant. Finalement, il s’est plutôt retrouvé à enseigner la chimie pendant 32 ans à l’école secondaire Quinte. Après avoir pris sa retraite, il s’est impliqué pendant une dizaine d’années en tant que vice-président du Hastings Prince Edward Land Trust (HPELT). À ce titre, il participait à la négociation des accords visant la conservation de terres à perpétuité dans les comtés de Hastings et de Prince Edward. Il a passé beaucoup de temps à discuter avec les propriétaires qui souhaitaient protéger leurs terres. Son travail consistait à écouter leurs histoires afin de découvrir pourquoi ils aimaient leur propriété et à les aider à comprendre comment il pourrait être bénéfique de la conserver. Le premier projet du HPELT auquel il a participé (et le plus mémorable) a été celui de la réserve naturelle de la famille Miller, une parcelle de 198 hectares située près de Milford, sur la rive sud du comté de Prince Edward. Récemment, Richard a quitté le HPELT et s’est joint au conseil d’administration de la South Shore Joint Initiative (SSJI), une initiative qui vise à protéger la rive sud du comté de Prince Edward.

La première fois que j’ai rencontré Richard, il m’a raconté une histoire sur l’île Main Duck, un endroit qu’il a visité à plusieurs reprises au fil des ans. L’île Main Duck a été le premier projet de CNC dans le comté de Prince Edward. Acquise par l’organisation en 1977, l’île a été presque aussitôt transférée à Parcs Canada. En plus de me faire part de quelques anecdotes amusantes, Richard m’a confié à quel point il avait trouvé ce lieu spécial et comment il avait pu être protégé. Je n’écrirai pas tous les détails au cas où vous croiseriez Richard, car il voudra sûrement vous les raconter lui-même!

Ce que j’aime le plus chez Richard, c’est son grand talent de conteur. Au cours des cinq dernières années, je me suis entretenue avec lui des dizaines, voire des centaines de fois, et, chaque fois, il me dit qu’il a quelque chose à me montrer et à me raconter. Il peut s’agir autant d’un livre que d’un équipement antique pour fabriquer du sirop d’érable ou d’un vieil article de magazine. Peu importe le sujet, ce qu’il aime, c’est raconter des récits.

Les récits sont l’un des outils les plus précieux dans le domaine de la conservation – un outil dont je suis d’ailleurs en train de me servir. J’ai donc demandé à Richard pourquoi ces récits sont si importants pour lui, et il s’est alors souvenu de l’époque où il enseignait la chimie.

Un conteur né

« Lorsqu’on enseigne, m’a dit Richard, on a affaire à de vraies personnes. Et les histoires tournent toutes autour de vraies personnes. » Il m’a ensuite demandé si je savais combien de gens étaient au courant que CNC a protégé l’île Main Duck. « Sans doute très peu », ai-je répondu. « Exactement! s’est-il exclamé. Voilà pourquoi je dois continuer à raconter des histoires! » Et il continue à le faire. Que ce soit lors de la tenue d’un kiosque pour un organisme local de conservation, d’une rencontre avec un club local (il a discuté avec presque tous les clubs du comté), d’un atelier de fabrication de mangeoires à oiseaux dans une école ou d’une visite amicale à l’improviste, Richard exerce ses talents de conteur.

Le plus grand moment de fierté qu’a vécu Richard a été l’annonce de la conservation permanente du site MacMahon Bluff. Le HPELT avait bien tenté d’acheter la propriété en 2008 avec l’aide de CNC, mais malheureusement, l’entente avait échoué. Puis, à la fin de l’année 2020, cet endroit exceptionnel et fragile a finalement pu être protégé par CNC grâce à un don écologique. Richard m’avait déjà parlé des efforts déployés par le HPELT pour protéger le site du développement (le HPELT a vraiment jeté les bases pour la conservation de cet endroit spécial). Il était très heureux que l’histoire se soit finalement bien terminée, et moi aussi.

La production de sirop d’érable et la fabrication de canots figurent parmi les passe-temps préférés de Richard. D’ailleurs, lorsque ma tendre moitié et moi avons emménagé dans une maison entourée de boisés récemment, il nous a enseigné les rudiments de la production de sirop d’érable. Il y a peu, nous l’avons également rejoint pour une séance de fabrication de canots de cèdre entoilés dans son garage. Du pliage des membrures et des lames de bois au rabotage et à l’entoilage, il réalise toutes les étapes lui-même. Le regarder travailler était un véritable spectacle. Un canot, c’est comme une histoire racontée pièce par pièce en plusieurs chapitres de travail délicat et minutieux. Richard a construit plus de 30 canots et plus d’un tiers d’entre eux ont été vendus aux enchères pour soutenir les efforts de conservation de la rive sud du comté. Chaque canot, bien sûr, évoque une histoire ou deux. « Le monde serait un endroit meilleur si nous possédions tous un canot en bois », nous a-t-il fait remarquer.

Le travail des héros de la conservation ne consiste pas seulement à participer à des activités dont les résultats sont visibles, comme des événements ou des travaux de conservation et d’intendance sur le terrain. Il s’agit aussi d’entretenir et d’établir des relations étroites avec les gens et de transférer leurs connaissances. Les héros de la conservation savent comment sensibiliser les gens en suscitant leur intérêt – ils et elles savent conter des histoires, mais aussi écouter celles des autres. Richard Bird n’est pas seulement un donateur de CNC, il est aussi l’un des plus fervents défenseurs de son travail dans le comté de Prince Edward et saisit toutes les occasions de promouvoir ses activités.

Rappelons-nous cette phrase célèbre de Rudyard Kipling : « Si l’histoire était enseignée sous forme d’histoires, elle ne serait jamais oubliée ». Ne l’oublions pas. Le monde a besoin de plus de conteurs et de conteuses. Le monde a besoin de plus de personnes comme Richard Bird.

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