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Réserve naturelle Five Houses Woodland, Î.-P.-É. (Photo Alec Jardine/CNC)

Réserve naturelle Five Houses Woodland, Î.-P.-É. (Photo Alec Jardine/CNC)

À l'écoute de la nature : identifier les espèces par leurs sons

Surveillance régulière du milieu humide pendant les mois d'été (Photo Lanna Campbell/CNC)

Surveillance régulière du milieu humide pendant les mois d'été (Photo Lanna Campbell/CNC)

Prenez le temps de sortir dans la nature et de tendre l’oreille à ce qui vous entoure. Entendez-vous les feuilles qui bruissent dans le vent? Le gazouillis des oiseaux ou le coassement des grenouilles? Le clapotis de l’eau d’un ruisseau ou le bourdonnement des insectes?

Les sons peuvent nous en dire long sur notre environnement et les espèces qui y vivent. C’est pourquoi le personnel et les stagiaires de Conservation de la nature Canada (CNC) se servent aussi de leurs oreilles pour surveiller les réserves naturelles de l’organisme chaque printemps, été et automne. Ils peuvent ainsi identifier des espèces que leurs yeux ne peuvent pas repérer et qui passent pour invisibles dans leur habitat naturel.

Deux unités d'enregistrement autonomes ont été installées pour documenter les espèces dans le milieu humide (Photo Lanna Campbell/CNC)

Deux unités d'enregistrement autonomes ont été installées pour documenter les espèces dans le milieu humide (Photo Lanna Campbell/CNC)

« Il est important de savoir ce qui se passe dans nos réserves naturelles afin de les gérer efficacement », explique Sophia Dalton, stagiaire en conservation à l’Île-du-Prince-Édouard. Elle et sa superviseure, Hannah Kienzle, coordonnatrice de la conservation pour l’Île-du-Prince-Édouard, ont passé une grande partie de l’été à faire la surveillance des réserves naturelles de CNC dans cette province, à la recherche de signes d’espèces rares et envahissantes. Pour la première fois cet été-là, cette surveillance prenait une nouvelle forme.

En avril, deux unités d’enregistrement autonomes, aussi appelées UEA, ont été installées à la réserve naturelle Five Houses Woodland, dans le sud-est de l’Île-du-Prince-Édouard. Ces appareils captent davantage de sons lorsqu’ils se trouvent dans de grands espaces dégagés.

« Les milieux humides sont d’excellents endroits où installer des UEA, car ils sont plutôt dégagés », explique Hannah Kienzle. Par chance, la réserve naturelle Five Houses Woodland présente à la fois des milieux humides d’eau douce et des milieux forestiers. Les deux UEA ont été placées à deux endroits dans des milieux humides; l’une près de la route et l’autre plus loin dans la réserve naturelle. Cette distance entre les appareils a permis à l’équipe de comparer les enregistrements. La surveillance des milieux humides n’est pas sans défis, et les UEA fournissent des informations qu’il aurait été difficile d’obtenir autrement.

Les moucherolles à côtés olives sont attirés par les arbres morts ou mourants à proximité de milieux humides dégagés (Photo Steven McGrath)

Les moucherolles à côtés olives sont attirés par les arbres morts ou mourants à proximité de milieux humides dégagés (Photo Steven McGrath)

L’équipe de CNC à l’Île-du-Prince-Édouard a examiné les enregistrements périodiquement au cours des mois d’été, et l’expertise d’Hannah et de Sophia a été mise à profit pour identifier à l’oreille les chants d’oiseaux. Évidemment, un tel projet génère trop d’enregistrements pour tous les écouter. Heureusement, des logiciels permettent d’identifier automatiquement les oiseaux à partir de fichiers sonores. C’est d’ailleurs ce pour quoi a été conçue l’application Merlin du laboratoire d’ornithologie de l’Université Cornell, aux États-Unis. Elle peut s’avérer extrêmement utile lorsqu’elle est employée par une personne expérimentée dans l’identification des cris d’oiseaux.

D’avril à la fin de juillet, 93 espèces ont été identifiées dans la réserve naturelle, dont 64 n’avaient jamais été vues ou entendues auparavant. Les UEA ont enregistré des oiseaux des marais, tels que le râle de Virginie et la marouette de Caroline, ainsi que des grenouilles, comme la rainette crucifère, la grenouille verte et la grenouille léopard. Des cris d’écholocalisation de chauves-souris, qui sont trop aigus pour être perçus par l’oreille humaine, ont également été détectés à l’aide d’un microphone à ultrasons. L’équipe a pu réduire à un huitième la fréquence sonore des enregistrements et les ralentir pour entendre les chauves-souris.

Pour Sophia, la meilleure partie de cette expérience a été de trouver une section d’un enregistrement où le pioui de l’Est, le moucherolle à côtés olive et la paruline du Canada pouvaient tous être entendus sur une période de 10 minutes. Ces oiseaux sont tous trois rares et en péril à l’Île-du-Prince-Édouard. C’est une chose incroyable de détenir des preuves de leur présence dans la réserve naturelle, d’autant plus qu’ils figurent tous sur un court enregistrement. Le grand nombre d’espèces identifiées dans la réserve naturelle Five Houses Woodland est une preuve solide de la riche biodiversité du secteur.

Grenouille verte dans un milieu humide (Photo Sean Feagan/CNC)

Grenouille verte dans un milieu humide (Photo Sean Feagan/CNC)

« Il est important de protéger les habitats sous-représentés comme les milieux humides en raison du grand nombre d’espèces qu’ils abritent, explique Sophia, en particulier à l’Île-du-Prince-Édouard, qui est la province la plus petite et la plus densément peuplée. »

La réussite de ce projet montre que la technologie a sa place dans la conservation et la surveillance de la nature. Cela dit, les UEA et les technologies d’identification ne remplaceront pas le travail des humains.

« L’un ou l’autre ne suffisent probablement pas à obtenir une vue d’ensemble », déclare Hannah. Les salamandres et les tritons, par exemple, ne peuvent pas être entendus sur les enregistrements. En avril, ces espèces ont été identifiées grâce à leurs œufs présents dans de petits étangs printaniers.

Ce projet a été financé par le Prince Edward Island Wildlife Conservation Fund. L’équipe de CNC à l’Île-du-Prince-Édouard partagera les données avec d’autres organisations de protection de la nature, telles que la PEI Watershed Alliance et la Forests, Fish and Wildlife Division de l’Île-du-Prince-Édouard. Il est également prévu d’installer des UEA dans les milieux humides d’autres réserves naturelles de la province. Qui sait quelles espèces pourraient s’y faire entendre!

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