Découvrir les prairies canadiennes pour la première fois
Prairie à herbes hautes, Man. (Photo Jessica Sánchez-Jasso)
Colorées, étonnantes et débordantes de vie, les prairies canadiennes sont uniques en leur genre. Ma première visite y a renforcé ma passion pour la biologie et m’a rappelé pourquoi j’étais tombée amoureuse de ce domaine. Dès mon plus jeune âge, je me souviens avoir passé d’innombrables heures dans le jardin de ma grand-mère au Mexique, où j’ai grandi, à savourer les pêches sucrées et juteuses d’un arbre majestueux qui en plus de nous nourrir, nous permettait de créer des souvenirs inoubliables. C’est aussi à cette époque que mon sens de l’observation des insectes, des plantes et des oiseaux fascinants qui fréquentaient notre jardin s’est grandement développé. Ce sont peut-être ces expériences qui ont éveillé mon amour profond pour la nature et qui m’ont prédestiné à devenir biologiste.
Je m’appelle Jessica, je suis titulaire d’une bourse en science de la conservation de la famille Weston auprès de Conservation de la nature du Canada (CNC) et étudiante au doctorat à l’Université du Manitoba. En 2022, j’ai visité l’aire naturelle des prairies à herbes hautes de CNC , au Manitoba, pour y apprendre à reconnaître des espèces de papillons et de végétaux dans le cadre de mes recherches. Quelle formidable expérience! Les Prairies m'ont vraiment étonnée. À chacun de mes pas, c’est comme si un nouveau monde s’ouvrait à moi, révélant des fleurs éclatantes et des insectes de couleurs et de formes différentes que je n’avais jamais vus auparavant. J’ai aussi croisé un jeune ours noir et eu le plaisir d’observer de nombreux oiseaux, du charmant bruant des prés au majestueux grand héron.
Malheureusement, les prairies figurent au nombre des écosystèmes les plus dégradés et les plus menacés de la planète. De ce fait, de nombreuses espèces sont menacées d’extinction, y compris l’hespérie de Poweshiek et l’hespérie du Dakota,, deux papillons qui dépendent entièrement de l’habitat de la région pour leur survie.
L’une des nombreuses raisons qui expliquent mon intérêt pour les prairies réside dans leur capacité à s’adapter aux perturbations naturelles, comme les feux de forêt et le pâturage. Il faut savoir que les perturbations jouent un rôle vital dans le maintien de la santé des prairies. Sans perturbations naturelles, une réaction en chaîne peut se produire, ce qui se traduit par la perte d’habitats et l’extinction d’espèces. Par exemple, sans feu de forêt, les buissons, les arbres et autres végétaux présents en d’autres endroits peuvent se répandre et déplacer les variétés uniques présentes dans l’habitat de prairie. La disparition de plantes indigènes entraîne aussi celle des animaux qui en dépendent.
Pour éviter l’extinction de l’hespérie de Poweshiek et de l’hespérie du Dakota, des stratégies de rétablissement ont été mises en place à l’échelle nationale en vertu de la Loi sur les espèces en péril, dont l’objectif est de préserver et de restaurer l’habitat de prairie. Pour ce faire, des pratiques de gestion doivent être mises en œuvre (p. ex., brûlages dirigés, pâturage du bétail, tontes) afin de reproduire les perturbations naturelles. Cependant, ces perturbations peuvent également avoir un impact négatif sur la survie des papillons. C’est pourquoi il est crucial de comprendre dans quelle mesure les pratiques de gestion des terres permettent de protéger et de restaurer efficacement l’habitat de prairie abritant ces deux papillons en voie de disparition.
Mes recherches visent à évaluer les différentes activités de gestion menées sur des sites où l’hespérie de Poweshiek et l’hespérie du Dakota sont présentes aujourd’hui et là où elles vivaient auparavant. Pour mener à bien mon projet, je retournerai dans les Prairies pour y collecter, pendant deux ans encore, des données sur les espèces végétales dont dépendent ces papillons, tout en évaluant la qualité et la fertilité des sols. J’essaierai aussi de trouver des espèces qui peuvent leur faire concurrence pour les mêmes plantes, ou qui s’attaquer’attaquent aux chenilles ou aux adultes de ces espèces de papillons. J’intégrerai à mon analyse des données recueillies dans le cadre de relevés de papillons (menés par CNC et le zoo du parc Assiniboine, au Manitoba).
Comment les papillons réagissent-ils au pâturage du bétail, aux brûlages dirigés ou à la tonte? Comment interagissent-ils avec les végétaux, le sol et les autres animaux? En cherchant à répondre à ces questions, on pourra mieux comprendre dans quelle mesure les pratiques de gestion sont efficaces pour maintenir l’équilibre et la santé dans les Prairies.
Mes recherches contribueront à la prise de décisions relatives aux pratiques de gestion, aux remises en liberté de papillons dans leur habitat d’origine et au travail de CNC visant à connecter leurs habitats.
Chaque fois que je visite les Prairies canadiennes, je ressens le même émerveillement que celui que me procurait le jardin de ma grand-mère quand j’étais petite. Ces prairies rares et vulnérables ont éveillé en moi une curiosité qui grandit à chaque découverte, ce qui alimente ma passion pour l’exploration et mon amour de la nature.
Ce projet de recherche est rendu possible grâce au généreux soutien de la Fondation de la famille Weston, qui finance le Programme de bourses en science de la conservation de la famille Weston. Il s’inscrit aussi dans un projet de collaboration plus vaste entre l’Université du Manitoba, l’Université de Winnipeg et Conservation de la nature Canada.
Liens d'intérêt
Tall Grass Prairie Species at Risk (NCC) (en anglais)
Tall Grass Prairie Natural Area Conservation Plan (NCC) (en anglais)
Interlake Natural Area Conservation Plan (NCC)
Hespérie de Poweshiek (Oarisma poweshiek) : programme de rétablissement (Environnement Canada)
Hespérie du Dakota (Hesperia dacotae) : programme de rétablissement (Environnement Canada)