Sept jours dans la nature
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Le stagiaire Colin Decoste, Réserve naturelle The Grasses, T.-N.-L. (Photo Jennifer Sullivan, stagiaire)
Le soleil se levait lentement, sa lumière dorée éclairait les deux sommets qui se dressent de part et d’autre de la rivière… Le doux chant des oiseaux résonnait dans l’air et une brise faisait danser le feuillage des arbres. Selon Colin DeCoste, stagiaire à Conservation de la nature Canada (CNC), ce superbe spectacle visuel et sonore a été le plus beau moment de sa semaine de travail sur le terrain dans la réserve naturelle The Grasses, située dans une région éloignée du sud-ouest de l’île de Terre-Neuve.
Ce territoire de 1570 hectares, qui constitue la plus grande réserve naturelle de CNC à Terre-Neuve-et-Labrador, longe l’extrémité nord de la chaîne des Appalaches.
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L'équipe de recherche prête pour une randonnée, Réserve naturelle The Grasses, T.-N.-L. (Photo Madeline Sceviour, stagiaire)
En juillet 2024, Colin et ses collègues stagiaires Emily Stevens et Madeline Sceviour se sont aventurés dans la réserve naturelle The Grasses. Ils étaient accompagnés de trois membres du personnel de CNC et d’une personne étudiant au doctorat à l’Université Memorial menant des recherches sur les lichens. Pendant des semaines, l’équipe a minutieusement élaboré ses plans et préparé son matériel, pour les sept jours qu’ils allaient passer au cœur de la réserve. Une fois sur place, les communications avec le monde extérieur seraient pratiquement impossibles; ils ne pourraient donc compter que les uns sur les autres pour se tenir compagnie.
Le campement a été installé sur un affleurement couvert d’herbe en bordure de la rivière qui traverse la réserve naturelle The Grasses. Depuis cet emplacement, ils pouvaient voir les montagnes, la rivière et les prairies qui ont inspiré le nom de la réserve.
« Je ne suis allée nulle part ailleurs à Terre-Neuve qui ressemblait à ça », affirme Madeline. Même si la vue était pittoresque, faire du tourisme était bien loin au bas de leur liste de tâches pour la semaine.
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Certains lichens observés, Réserve naturelle The Grasses, T.-N.-L. ( Photo Madeline Sceviour, stagiaire)
Le but premier était de faire un bilan de l’état des différents écosystèmes de la réserve. Ce type de travail est monnaie courante pour les stagiaires de CNC dans l'ensemble des provinces de l'Atlantique. Au cours de l'été, les trois stagiaires ont surveillé les réserves naturelles de CNC dans toute l'île de Terre-Neuve pour y détecter la présence d'espèces rares et envahissantes, ainsi que des activités humaines non autorisées. Leurs efforts ont été cruciaux pour déterminer quels travaux de conservation supplémentaires allaient devoir être réalisés pour protéger la santé des paysages naturels au Canada atlantique.
Par exemple, il y a une quarantaine d'années, de nombreux arbres d'une section de la réserve sont morts à cause d'une infestation de deux insectes : la tordeuse des bourgeons de l’épinette et l'arpenteuse de la pruche. L'infestation est un phénomène naturel, mais les orignaux, très présents dans la région, mangeaient les jeunes arbres et ralentissaient leur croissance. Ces étendues, appelées « moose meadows », ressemblent à des champs couverts d’herbes.
« Une partie de notre voyage de cette année consistait à évaluer la régénération de ces champs en mesurant les changements dans la couverture de la canopée », explique Colin.
Chaque jour, l'équipe s'est divisée en groupes. Cela les a menés dans les montagnes et les rivières. Un jour, Madeline et Emily ont exploré une partie de la réserve parsemée de rochers. Enveloppés d'une épaisse couche de mousse, les blocs rocheux étaient glissants et les obligeaient à marcher prudemment.
En glissant un peu sur un des rochers, elles ont senti de l’air très froid provenant d'une des fissures. En y jetant un coup d’œil, Madeline a découvert une étrange espèce de lichen. La doctorante et l’experte en lichens l'ont ensuite identifié comme étant néphrome arctique, une espèce de lichen qui, comme son nom l’indique, ne pousse normalement que dans l'Arctique.
« Il y avait tellement de microclimats différents sur l'ensemble du site», explique Emily. Un paysage aussi vaste et diversifié permet à de nombreuses espèces variées de prospérer.
L’équipe a repéré des espèces végétales en péril comme la platanthère lacérée (une orchidée), le petit rhinanthe (une plante herbacée), la ronce arctique, le saule réticulé, ainsi que le pilophore à crochet, une espèce de lichen en voie de disparition. Ils ont également identifié plusieurs espèces d'oiseaux en péril, dont le grand héron, le quiscale rouilleux et le moucherolle à côtés olive. Savoir quelles espèces vivent sur les prairies aidera à mieux comprendre les écosystèmes présents et ainsi prendre soin de la terre de manière efficace.
La bête la plus redoutable qu'ils ont vue est sans doute le soleil ardent! Parcourir la réserve naturelle par des températures supérieures à 30 °C aurait été un défi, même sans les centaines de moustiques qui semblaient suivre l'équipe partout.
Malgré les difficultés, l'équipe s’est assurée de s'amuser un peu. Chaque dure journée de travail se terminait par un saut dans la rivière. Leur baignade quotidienne est un autre des meilleurs souvenirs de ce voyage, dépassant les blagues idiotes racontées par walkie-talkie et les longues conversations tenues dans la grande tente commune.
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Superbe coucher de soleil, Réserve naturelle The Grasses, T.-N.-L. (Photo Emily Stevens, stagiaire)
Il semble que six nuits de camping en pleine nature se soient achevées trop vite. L'équipe a plié bagage et a quitté la réserve naturelle. Derrière eux, les montagnes semblent regarder la rivière pendant que les herbes des prairies bruissent doucement dans le vent.
Laissée à elle-même, la réserve naturelle The Grasses attend patiemment la prochaine fois qu'une équipe se rendra dans son paysage spectaculaire.
Merci à Cenovus Energy d'avoir contribué au financement du programme de stages de CNC à Terre-Neuve et Labrador.