Étudier les activités récréatives pour que s’épanouissent la population et la nature 10 octobre 2025
Passer du temps dans la nature est essentiel pour notre santé mentale et physique. Mais, puisque de plus en plus de gens cherchent à se rapprocher de la nature, la pression sur les paysages naturels et la faune augmente. De la randonnée au vélo, en passant par la motoneige et le ski, les activités de plein air sont en plein essor au Canada. Cette tendance s’accompagne d’un défi : comment profiter de la nature sans compromettre les écosystèmes qui nous sont chers ni créer de conflits?
C’est la question qui motive la recherche sur « l’écologie des loisirs » à laquelle Conservation de la nature Canada (CNC) a collaboré avec la Yellowstone to Yukon Conservation Initiative, l’Université du Nord de la Colombie-Britannique et d’autres partenaires.
Pendant six ans, l’équipe de recherche a étudié quand, où, comment et combien de personnes pratiquent des activités de plein air dans l’ouest de l’Alberta et l’est de la Colombie-Britannique. L’objectif était de savoir comment les activités se chevauchent entre elles et avec les habitats sensibles de la faune et de la flore.
La nature nous guide pour voir grand
D’entrée de jeu, nous savions que nous devions travailler à une vaste échelle. Les espèces sauvages se déplacent à travers les vallées, les cols, à l’intérieur et à l’extérieur des parcs et réserves pour s’alimenter, s’abriter, se reposer et s’accoupler. En tant qu’adepte des loisirs de plein air, je constate une prise de décision dans mes propres choix : retourner dans mes endroits préférés ou en explorer de nouveaux, chercher de la compagnie ou la solitude, me déplacer rapidement ou lentement. Étudier un seul type de loisir en une seule saison ou dans un seul parc n’aurait pas été logique, puisque ce n’est pas ce qui se passe dans la vie réelle.

Une nouvelle approche des données sur les activités de loisir
Les outils traditionnels de surveillance des loisirs, tels que les compteurs de sentiers et les caméras, sont utilisés depuis longtemps pour mesurer l’activité en plein air. Cette recherche va plus loin, car elle intègre des données générées par les utilisateurs à partir d’applications telles que Strava et AllTrails afin d’obtenir une image plus complète de leurs habitudes de loisirs. En combinant ces sources avec les informations existantes, nous avons cartographié plus de 54 000 kilomètres de sentiers et d’infrastructures linéaires, dont 27 % qui n’étaient pas documentés.
C’est important, car des informations précises sont essentielles pour la planification et la gestion. Qu’il s’agisse de recherche et sauvetage dans l’arrière-pays, de réduction des conflits avec la vie sauvage ou de planification d’itinéraires et de services alternatifs, nous devons comprendre où les gens vont et pour quelles raisons. La comparaison de différents types de données révèle des compromis en termes de coût, de temps, de sensibilité, d’échelle, de saisonnalité, etc.

Notre approche innovante permet d’établir des cartes saisonnières des activités de loisirs motorisées et non motorisées, ainsi que des cartes de la qualité de l’habitat pour les espèces sensibles menacées d’extinction, telles que le grizzly, le caribou de montagne et le carcajou. Ces informations sont essentielles pour identifier les zones de chevauchement entre une utilisation récréative élevée et un habitat naturel de haute qualité.
La recherche de solutions
La recherche met en évidence la façon dont les différentes espèces réagissent aux activités récréatives. Par exemple, les grizzlys partagent souvent les fonds de vallées de basse altitude avec les adeptes de randonnée et les cyclistes au printemps, ce qui augmente le risque de conflit entre les humains et la faune. Les carcajous, vulnérables pendant leur saison de mise bas, sont soumis à la pression des loisirs d’hiver en altitude, tels que le ski et la motoneige. Les caribous de montagne sont particulièrement vulnérables aux perturbations humaines, surtout pendant la saison hivernale, qui est plus stressante et parce que l’accès des prédateurs est plus facile.

Les changements climatiques ajoutent une nouvelle couche de complexité, surtout en hiver. Les hivers plus chauds et l’augmentation des précipitations sous forme de neige entraînent l’imprévisibilité, une saison plus courte et la concentration des activités de loisirs dans des zones plus petites, ce qui met encore plus à l’épreuve les habitats de la faune et de la flore. Il est essentiel de comprendre cette dynamique pour élaborer des lignes directrices et des seuils spécifiques associés à différentes espèces pour avoir des activités récréatives responsables.
De la recherche à l’action
L’objectif de ce projet n’est pas seulement de recueillir des données, mais aussi de susciter un changement positif. En dotant les gestionnaires fonciers, les gouvernements, les nations et communautés autochtones et les responsables des loisirs d’outils et de recommandations fondés sur des données probantes, cette recherche et d’autres sur l’écologie des loisirs permettent d’améliorer la planification, la gestion et les politiques.
Les principales recommandations sont les suivantes
- Recours à une combinaison d’outils traditionnels et d’autres générés par les utilisateurs pour surveiller les activités récréatives;
- Incorporation de données sur les loisirs provenant de diverses sources dans les modèles d’habitat de la faune;
- Soutenir la collaboration entre les équipes de recherche, les gestionnaires et les adeptes de loisirs;
- Promouvoir les loisirs responsables au moyen de plateformes numériques et d’actions de sensibilisation;
- Mettre en place des pratiques et des politiques qui protègent les espèces sensibles des impacts des activités récréatives.
Pourquoi est-ce si important?
Les loisirs de plein air touchent de nombreux aspects de notre vie, qu’il s’agisse de la santé, de la vie sociale, de l’économie ou de la culture. Une gestion et une planification judicieuses sont essentielles à la longévité et à la coexistence. Sans cela, l’augmentation des activités récréatives peut involontairement dégrader les habitats naturels, perturber la vie sauvage et réduire les possibilités d’activités de plein air pour tout le monde. C’est l’un de mes projets de recherche les plus gratifiants. Les résultats aident les décideurs et décideuses à donner la priorité à la coexistence dans le domaine des loisirs, aujourd’hui et dans l’avenir. Ce modèle montre comment la science, la collaboration et la créativité peuvent garantir que lorsque la nature prospère, la population prospère aussi.
Les résultats de ces recherches sont publiés dans des revues scientifiques (en anglais) évaluées par les pairs. Cela comprend comparer différents outils de mesure des activités récréatives ce que cela nous apprend sur l'empreinte cumulative des activités récréatives, et sur les besoins en habitat des espèces sensibles aux activités récréatives, ainsi que d'autres travaux en cours.